Elizabeth
Tania Quintero, Cuba Press
LA HAVANE, le 24 décembre A Cuba cest comme si elle navait jamais existé. Selon les canons officiels, Elizabeth Broton Rodriguez forme déjà partie de la liste des traîtres de la révolution. Mais pour Raquel Rodriguez, sa mère,
Elizabeth restera dans le souvenir comme la fille bonne et affectueuse qui le 6 décembre 1993 lui a donné un petit-fils adorable qui sappelle Elian Gonzalez Broton.
Le père de lenfant, et ex-mari dElizabeth, Juan Miguel Gonzalez a déclaré quils vivaient dune manière économiquement confortable, puisque tous les deux travaillaient à Varadero, le pôle touristique le plus important du pays.
Cela veut dire que les dollars ne leur manquaient pas et quElian avait le minimum indispensable pour vivre.
Pourquoi alors Elizabeth, probablement une travailleuse sérieuse, avec un niveau de vie au-dessus de la moyenne nationale, a-t-elle décidé de sen aller illégalement du pays en risquant sa vie et celle de son fils quelle aimait tant et dont elle soccupait
tant?
Depuis quand avait-elle à lesprit cette fuite si apparemment elle était une jeune femme avec aval révolutionnaire pour travailler dans nimporte quelle entreprise de lEtat?
Fut ce pour lemballement de son mari actuel?
Ou quels autres problèmes Elizabeth pouvait-elle avoir eu pour prendre la décision quelle prit à laube du 29 novembre 1999?
Ce jour-là, depuis un endroit du littoral de Cardenas, au nord de la province de Matanzas et à quelques 150 kilomètres de La Havane, Elizabeth est partie clandestinement, avec son fils Elian, son mari, et onze autres personnes, dans une embarcation qui a chaviré près
des côtes de Floride. Le reste est déjà connu: Elizabeth et son mari ont péri, et lenfant a incroyablement été sauvé. Il a été trouvé attaché à un pneu en face dun pont de Miami. Deux autres personnes ont également
naufragé, mais sur elles à Cuba on na donné aucune information.
La tragédie est arrivée le jeudi 25 novembre, lorsque aux Etats-Unis on célébrait le Jour dActions de Grâces, et Elian pour toujours devra rendre grâce à Dieu parce que son corps fragile na pas été avalé par les
requins. Aujourdhui il se trouve toujours avec des parents à Miami, et est protagoniste dun conflit politique qui se terminera on ne sait quand ni comment.
Si la sérénité et le bon sens prédominent sur lune et lautre rive, Elian doit rentrer à Cuba auprès de son père, ses grands-parents, et une petite sur née récemment. Cest ce qui est légalement correct,
et cest ce que nous les Cubains voulons.
La première information du cas tragique est apparue dans la presse cubaine le dimanche 28 novembre sur la page deux de Juventud Rebelde. Cétait une déclaration du Ministère de Relations Extérieures (MINREX) de Cuba. La deuxième nouvelle fut publiée
sur la dernière page du Granma du jeudi 2 décembre et il sagissait de la lettre que Raquel, la mère dElizabeth et grand-mère dElian, avait écrite au chancelier Felipe Perez Roque, en lui demandant quil fasse tout ce qui était
humainement possible pour que son petit-fils rentre au sein de sa famille.
Le lendemain, 3 décembre, avec léditorial «Elian na pas besoin davocat ni de tribunal fédéral, Elian sera défendu par le peuple de Cuba» commença la campagne pour le retour dElian.
Le samedi 4 décembre Granma publiait sur la dernière page un reportage réalisé dans lécole où étudiait Elian à Cardenas, et à la fin ils interviewaient le père et le grand-père paternel. Jusquà ce
moment-là ce cas nétait pas lié à un kidnapping.
La connexion apparaît le dimanche 5 lorsque sur la page deux de Juventud Rebelde un titre est publié avec ces mots du président cubain Fidel Castro: «Nous allons organiser la bataille mondiale pour la liberté de lenfant séquestré». A
partir de ce moment-là, une campagne de propagande sans précédents se déchaîne dans lîle. Dinnombrables fois le nom dElian est prononcé. On mentionne seulement son premier nom: Gonzalez. Sa photo est imprimée sur des pancartes
et des pull-overs, quelque chose jamais vu à Cuba.
Sur Elizabeth ni une photo ni un seul mot. Malgré cette épilepsie officielle, sa mémoire restera dans le cur de ses parents et dElian, à qui personne ne pourra arracher limage de sa mère, irresponsable ou non, disparue dans la même mer où
un nombre incalculable de Cubains a péri pendant les 40 dernières années.
Traduction: Genevieve Tejera
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