CUBANET

2 décembre 1999



Paranoia?

LA HAVANE, décembre – L’écrivain cubain Virgilio Piñera, après avoir écouté les mots dirigés aux intellectuels par Fidel Castro, leva la main en demandant la permission de parler. On le lui accorda. Avec une voix timide Virgilio s’exprima: «J’ai peur, très peur».

Ceci arriva il y a plus de vingt ans. Depuis alors, Virgilio Piñera a cessé d’exister comme écrivain pour notre peuple.

Que lui avait causé une telle peur dans ce discours? Seulement deux phrases: «A l’intérieur de la révolution, tout; au dehors de la révolution, rien».

Peu avant le sommet, on a présenté à la télévision une mauvaise mise en scène. On y a expliqué comment le peuple indigné avait frustré la tentative de la part de peu de «contre-révolutionnaires» de mener à bien une protestation anti gouvernementale. Les dissidents ont été arrêtés et par chance l’un d’eux n’a pas reçu un coup de marteau qui lui été destiné, mais une camera de télévision étrangère. Il a été clarifié que les «apatrides» avaient des antécédents criminels et l’un d’eux avait été prisonnier pour possession de drogue.

Il n’est pas nécessaire de recourir à l’essai éclaircissant d’Octavio Paz «Révolte, Rébellion, Révolution» pour concevoir le contenu fasciste enfermé dans «à l’intérieur de la révolution, tout; au dehors de la révolution, rien». Cela est toujours en vigueur.

Comme Virgilio Piñera, avait exclamé: «J’ai peur, très peur».

Ma vie s’est passée parmi les intellectuels. Quelques-uns sont partis de Cuba, d’autres sont toujours dans le pays. Beaucoup critiquent le système politique qui limite presque toutes leurs libertés. Mais aucun – ou presque aucun – d’entre eux a ou a eu des antécédents criminels, si nous considérons qu’à Cuba, un prisonnier politique est qualifié de prisonnier commun. Et encore moins pour possession de drogue.

Qui suis-je? Un Cubain courant, mais fils de l’un des peintres les plus authentiques de l’avant-garde cubaine: Fidelio Ponce de Leon. J’ai transité pendant ces quarante ans de totalitarisme en faisant des pirouettes sur la corde lisse pour me maintenir indépendant. J’ai payé et paie encore le prix fort pour l’être. Mon épouse a été l’un des peintres et intellectuels les plus renommés de la Cuba Républicaine et des premiers vingt ans du Castrisme. Je suis, comme Virgilio, homosexuel et, comme Fidelio, un individualiste tenace. Les personnes suivantes peuvent faire foi de mes mots depuis Cabrera Infante jusqu’à Benitez Rojo, depuis Zoé Valdes jusqu’à Marques Ravelo.

Pourquoi le long préambule et cette autobiographie succincte? Parce que je connais le monstre et je vis dans ses entrailles. Parce que je veux alerter mes amis à l’extérieur de l’île – ceux de dedans se ne disent rien par terreur – pour si un jour ils reçoivent la nouvelle, par voie «officielle» que je trafique avec ou consume de la drogue.

Comment Virgilio, si pédale et si faible, as-tu osé dire devant toute l’assemblée d’intellectuels et d’artistes en te dirigeant à la table de la présidence, «j’ai peur, très peur»?

A l’aube un jour de mars, au début de cette année, mon domicile a été violé à 5h 30 par les Brigades Spéciales. J’ai été détenu jusqu’à 5 heures de l’après-midi. Ils cherchaient de la drogue. Ce même jour, mais vers 3 heures de l’après-midi, ils ont fouillé le bâtiment. Dans deux des appartements fouillés les chiens ont senti de la drogue, mais elle n’était plus dans les cachettes signalées. Quelque temps après, j’ai su que devant les yeux mêmes de la police, une femme a sorti la drogue dans son sac, par la seule porte d’accès de l’endroit.

Le lendemain de la fouille de mon domicile, j’ai eu la visite d’un lieutenant des Brigades Spéciales, pour m’«offrir» l’honneur de «collaborer» avec lui dans la lutte contre la drogue dans l’endroit où j’habite. Il est surprenant de savoir que ce lieutenant est venu souvent et il parait être en bonnes relations de «coopération» avec ceux qui non seulement consomment les drogues, mais qui aussi les distribuent.

On dit que dans cette mise en scène pre-Sommet que Raul Rivero avait parlé de son impunité actuelle, après avoir reçu le prix pour son travail long et méritoire comme journaliste indépendant. Il est difficile de croire qu’il ait fait preuve de tant de légèreté en disant cela. S’il l’a dit, il sait plus qu’aucun autre que les dissidents, quels qu’ils soient, sont extrêmement vulnérables dans notre système politique. Les impunissables sont les autres, ceux qui même en étant délinquants sont prêts à te donner des coups à toi, Raul Rivero, ou à n’importe quel autre dissident, non seulement avec des bâtons mais aussi avec des marteaux.

Je répète une fois de plus, Virgilio Piñera, tes mots: «J’ai peur, très peur». Mes amis et moi ont été attaqués par ceux qui eux sont impunissables. Celui qui est en danger c’est moi, c’est toi, Raul Rivero. Je crains qu’en un moment donné et comme mesure plus bénigne, ceux qui sont impunissables, que de la marijuana ou la cocaïne qu’ils consomment et vendent, ils en mettent un peu, seulement un peu chez moi lorsque je n’y suis pas. Pourquoi pas? Depuis la maison d’ Armando Vazquez Fonden, le mineur Dysmaris Sotomayor est entré dans mon jardin intérieur deux fois. Peut-être vont-ils appeler ce lieutenant qui m’a «offert» ce grand honneur de «collaborer» avec lui ou n’importe quel autre, un de leurs amis, et fassent taire une voix différente. J’ai peu, très peur, cher Virgilio Piñera.


Traduction: Genevieve Tejera

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