Cuba: le lupanar
continue au-delà des lois et des consignes
par Jésus Zuñiga, Coopérative de Journalistes Indépendants
LA HAVANE, mai Belkis a 16 ans et est la fille de parents divorcés.
Elle habite avec sa mère qui est professeur d'un pré-universitaire
avec un salaire mensuel de 271 pesos, supérieur à la moyenne de
Cuba. Elle n'a pas, comme quelques-unes unes de ses amies, de famille à
Miami qui lui envoie des dollars, mais la nature lui a fait don d'une beauté
divine, qui dans la fleur de l'adolescence la rend coquette. Elle veut
s'habiller à la mode, aller dans de bonnes discothèques et
profiter de ce qui est là, à la portée de ses yeux, mais très
loin de ses mains.
Apres avoir beaucoup pensé, en vacillant entre les conseils de sa mère
et les expériences de ses camarades d'école, elle décida de
tenter son sort. Le jardin voisin des hôtels Habana Riviera et Melia
Cohiba fut le premier lieu de rencontre avec un touriste espagnol qui ensuite la
fit monter à sa chambre et la paya 50 dollars pour cinq heures de
service. Malgré cela, selon sa propre confession, ce furent les heures
les plus malheureuses de sa vie. Le client avait l'âge de son grand-père.
Avec l'argent elle s'acheta une paire de chaussures de tennis qui lui
plaisait tant et quelques kilos de viande pour sa famille. « Ce qui est le
plus difficile maintenant », explique-t-elle, «c'est de justifier tout
cela à ma mère. Elle sait que j'avais eu des relations avec un
petit ami, mais pour de l'argent avec un étranger, c'est quelque chose de
honteux ».
Belkis croit qu'un grand pourcentage de jeune cubaines prennent
quotidiennement une décision similaire. « C'est une façon
rapide de solutionner les problèmes. Je ne sais pas si après je
vais le faire de nouveau. Je crois que si j'en avais besoin de nouveau, je
serais disposée à recommencer le même coup».
Belkis est ce que l'on connaît sous le nom de pseudo-jinetera ou
jinetera à moitié. Ce secteur ne se consacre pas à temps
complet à cette fonction, mais est formé d'une population
flottante de «lutteuses » qui descendent dans la rue de temps en temps
quand la situation chez elle devient plus accablante. D'autres, qui déjà
se sont mariées, arrivent à se mettre d'accord avec leurs maris et
se rendent aux bastions hôteliers pour chercher des dollars. Ensuite elles
apportent l'argent chez elles et tout reste entre mari et femme. Les maris, loin
de se sentir blessés, font contre mauvaise fortune bon cur en se résignant
à l'idée que dans la vie tout est possible.
« Pour elle, le sexe avec des touristes est seulement comme une représentation
théâtrale. L'amour elle le fait avec moi », dit Daniel, employé
gastronomique de 32 ans, en se référant à sa femme.
Le personnel médical de la polyclinique du secteur Reina a fait une
investigation sur une épidémie de blennorragie (gonorrhée)
qui s'est déclarée dans la zone du Centre de La Havane. Une chaîne
dont l'anneau a déjà été découvert : une
mineure de 12 ans est arrivée dans un état critique à la
polyclinique en se plaignant de la même maladie que les toubibs avaient
suivie. La police intervint dans l'affaire et commença à enquêter
dans les recoins les plus retirés du voisinage. La petite fille depuis un
bon moment travaillait dans le commerce obscur de la prostitution sans avoir
perdu sa virginité. Le procédé qu'elle employait avec la
clientèle dénonçait sans détour l'origine du surnom
par lequel elle était connue dans le quartier : La Vampire.
Selon les évidences, la famille, d'un niveau économique très
bas savait ce que faisait la petite fille. Sa mère confessa finalement
que c'était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour obtenir plus
d'argent à la maison. La mineure suçait le pénis du
premier homme qui payait, mais ne s'était jamais laissée posséder.
La mère, irresponsable, se trouve maintenant à la disposition des
tribunaux.
La nature de ce cas, catalogué par les spécialistes comme proxénétisme
maternel, a produit la stupeur dans l'opinion publique, particulièrement
parmi les voisins de l'endroit. Le fait que des histoires de ce genre soient
seulement le sujet de conversation de quelques quartiers de la capitale et
qu'elles soient maintenues sous le voile du silence d'état, empêche
de mesurer dans sa dimension totale la corruption généralisée,
particulièrement sexuelle, de la plus grande ville de l'île.
Les oreilles des gens de La Havane se remplissent quotidiennement
d'histoires qui décrivent les façons les plus développées
et d'avant garde de gagner sa vie dans la jungle de l'asphalte de La Havane.
Pendant que quelques revues qui circulent à travers l'Europe montrent
des photos de femmes à demi nues et provoquantes invitant à rendre
visite à l'île, à partir du décret-loi 87 on a créé
des commissions destinées au travail des enfants. Ces groupes, composés
par des membres du Parti Communiste et du Ministère de l'intérieur
cubain, abordent les mineurs qui mendient dans la rue ou montrent leurs bénédictions
corporelles aux étrangers. La première étape est
d'effectuer un recensement de la quantité qu'il y a dans chaque
municipalité et ensuite aller dans les maisons et avertir les familles
sur la possibilité qu'elles ont d'être sanctionnées par la
loi.
En accord avec les résultats qu'ont donné ces commissions, la
plus grande partie des familles visitées perçoivent de bas revenus
et ne peuvent pas garantir certaines nécessités aux mineurs, comme
vêtements, chaussures, et dans bien des cas un plat de nourriture. De
toutes façons le problème va au-delà et arrive même
dans les meilleures familles.
D'un côté du Capitole National fonctionne La Marquesina, un
club où l'on peut trouver des jeunes filles de 14 à 15 ans dont
les tarifs n'excèdent pas trois dollars ou leur équivalent en
pesos cubain. A un kilomètre alentour, la corruption sexuelle est
concentrée, se manifestant désinvolte devant les yeux des passants
et des voisins.
Les petits hôtels les plus proches travaillent en coordination avec ce
qu'on appelle les «travailleuses pour leur propre compte du département
des soins à l'homme ». Une chanson de l'exilé cubain Willie
Chirino, fredonnée par la jeunesse cubaine dans les années 90,
illustre ce qui se passe dans les rues de La Havane en cette fin de siècle
: « Les policiers essaient, les jineteras passent ».
Même si les autorités ont enregistré des lois qui répriment
la prostitution et la dépravation sexuelle, une nouvelle quantité
d'agents de l'ordre publique détachés dans ces zones franches de
la capitale font semblant de ne pas voir les vendeuses du plaisir furtif.
En se promenant dans l'Avenue du Port on trouve des «guides
touristiques » partout qui montrent le centre historique de la capitale, en
les séduisant avec la grâce créole.
Une femme d'environ 30 ans est assise sur le mur du Malecon avec son jeune
fils handicapé quand un policier lui ordonne de s'en aller, en l'accusant
d'utiliser l'enfant pour mendier. La jeune personne s'en va en protestant. Moins
d'un quart d'heure plus tard elle revient au Malecon vêtue d'un bermuda en
lycra bien serré au corps, qui laisse entrevoir ses parties génitales.
Elle a une paire de sandales à plate-forme aux pieds, une fine chaîne
à la cheville et une chemisette légère de marque.
Le gendarme, quand il la rencontre de nouveau, lui sourit malicieusement et
s'en va plus loin sur le Malecon.
Quatre-vingt-dix jours après le début de la nouvelle croisade
contre la prostitution dans l'île, sous le masque légal du décret-loi
87, La Havane est toujours corrompue et dépravée. Et rien ne
changera pendant qu'existera le régime totalitaire actuel, l'unique
auteur et responsable de la catastrophe économique, politique et sociale
que traverse la société cubaine.
Traduction: Genevieve Tejera
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