Paranoia?
LA HAVANE, décembre Lécrivain cubain Virgilio Piñera, après avoir écouté les mots dirigés aux intellectuels par Fidel Castro, leva la main en demandant la permission de parler. On le lui accorda. Avec une voix timide Virgilio sexprima:
«Jai peur, très peur».
Ceci arriva il y a plus de vingt ans. Depuis alors, Virgilio Piñera a cessé dexister comme écrivain pour notre peuple.
Que lui avait causé une telle peur dans ce discours? Seulement deux phrases: «A lintérieur de la révolution, tout; au dehors de la révolution, rien».
Peu avant le sommet, on a présenté à la télévision une mauvaise mise en scène. On y a expliqué comment le peuple indigné avait frustré la tentative de la part de peu de «contre-révolutionnaires» de mener à
bien une protestation anti gouvernementale. Les dissidents ont été arrêtés et par chance lun deux na pas reçu un coup de marteau qui lui été destiné, mais une camera de télévision étrangère. Il a été
clarifié que les «apatrides» avaient des antécédents criminels et lun deux avait été prisonnier pour possession de drogue.
Il nest pas nécessaire de recourir à lessai éclaircissant dOctavio Paz «Révolte, Rébellion, Révolution» pour concevoir le contenu fasciste enfermé dans «à lintérieur de la révolution,
tout; au dehors de la révolution, rien». Cela est toujours en vigueur.
Comme Virgilio Piñera, avait exclamé: «Jai peur, très peur».
Ma vie sest passée parmi les intellectuels. Quelques-uns sont partis de Cuba, dautres sont toujours dans le pays. Beaucoup critiquent le système politique qui limite presque toutes leurs libertés. Mais aucun ou presque aucun dentre eux a ou a
eu des antécédents criminels, si nous considérons quà Cuba, un prisonnier politique est qualifié de prisonnier commun. Et encore moins pour possession de drogue.
Qui suis-je? Un Cubain courant, mais fils de lun des peintres les plus authentiques de lavant-garde cubaine: Fidelio Ponce de Leon. Jai transité pendant ces quarante ans de totalitarisme en faisant des pirouettes sur la corde lisse pour me maintenir indépendant.
Jai payé et paie encore le prix fort pour lêtre. Mon épouse a été lun des peintres et intellectuels les plus renommés de la Cuba Républicaine et des premiers vingt ans du Castrisme. Je suis, comme Virgilio, homosexuel et, comme
Fidelio, un individualiste tenace. Les personnes suivantes peuvent faire foi de mes mots depuis Cabrera Infante jusquà Benitez Rojo, depuis Zoé Valdes jusquà Marques Ravelo.
Pourquoi le long préambule et cette autobiographie succincte? Parce que je connais le monstre et je vis dans ses entrailles. Parce que je veux alerter mes amis à lextérieur de lîle ceux de dedans se ne disent rien par terreur pour si un jour
ils reçoivent la nouvelle, par voie «officielle» que je trafique avec ou consume de la drogue.
Comment Virgilio, si pédale et si faible, as-tu osé dire devant toute lassemblée dintellectuels et dartistes en te dirigeant à la table de la présidence, «jai peur, très peur»?
A laube un jour de mars, au début de cette année, mon domicile a été violé à 5h 30 par les Brigades Spéciales. Jai été détenu jusquà 5 heures de laprès-midi. Ils cherchaient de la drogue.
Ce même jour, mais vers 3 heures de laprès-midi, ils ont fouillé le bâtiment. Dans deux des appartements fouillés les chiens ont senti de la drogue, mais elle nétait plus dans les cachettes signalées. Quelque temps après, jai su
que devant les yeux mêmes de la police, une femme a sorti la drogue dans son sac, par la seule porte daccès de lendroit.
Le lendemain de la fouille de mon domicile, jai eu la visite dun lieutenant des Brigades Spéciales, pour m«offrir» lhonneur de «collaborer» avec lui dans la lutte contre la drogue dans lendroit où jhabite. Il est surprenant de
savoir que ce lieutenant est venu souvent et il parait être en bonnes relations de «coopération» avec ceux qui non seulement consomment les drogues, mais qui aussi les distribuent.
On dit que dans cette mise en scène pre-Sommet que Raul Rivero avait parlé de son impunité actuelle, après avoir reçu le prix pour son travail long et méritoire comme journaliste indépendant. Il est difficile de croire quil ait fait preuve
de tant de légèreté en disant cela. Sil la dit, il sait plus quaucun autre que les dissidents, quels quils soient, sont extrêmement vulnérables dans notre système politique. Les impunissables sont les autres, ceux qui même en étant
délinquants sont prêts à te donner des coups à toi, Raul Rivero, ou à nimporte quel autre dissident, non seulement avec des bâtons mais aussi avec des marteaux.
Je répète une fois de plus, Virgilio Piñera, tes mots: «Jai peur, très peur». Mes amis et moi ont été attaqués par ceux qui eux sont impunissables. Celui qui est en danger cest moi, cest toi, Raul Rivero. Je crains quen
un moment donné et comme mesure plus bénigne, ceux qui sont impunissables, que de la marijuana ou la cocaïne quils consomment et vendent, ils en mettent un peu, seulement un peu chez moi lorsque je ny suis pas. Pourquoi pas? Depuis la maison d Armando Vazquez
Fonden, le mineur Dysmaris Sotomayor est entré dans mon jardin intérieur deux fois. Peut-être vont-ils appeler ce lieutenant qui ma «offert» ce grand honneur de «collaborer» avec lui ou nimporte quel autre, un de leurs amis, et fassent taire une
voix différente. Jai peu, très peur, cher Virgilio Piñera.
Traduction: Genevieve Tejera
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