Une note sur
la gastronomie
Manuel David Orrio, CPI
LA HAVANE, juin Il arrive que la presse officieuse cubaine couvre
avec notoriété certains cas d'intoxication alimentaire,
remarquables pour leur caractère dramatique et pour l'implication dans
ces cas des travailleurs pour leur propre compte qui se consacrent à l'élaboration
et à la vente de nourriture, aussi bien dans de petites cafétérias
privées que dans les restaurants de famille connus comme 'paladares'.
Evidemment, personne ne dirait exactement que la dite presse est animée
par l'intention de faire une mauvaise publicité aux gastronomiques privés,
bien qu'on insiste beaucoup sur la couverture de tels cas, accompagné du
silence qui se fait autour des intoxications alimentaires attribuables à
leurs semblables d'état. De cette manière, peut-être sans
intention, mais peut-être jouant au sublime, la presse officieuse transmet
l'image d'une gastronomie privée qui est habituée à des
manipulations douteuses, sur une scène où la renaissance de
celle-ci, on le sait, s'est produite pendant que le gouvernement de Fidel Castro
rechignait, et se maintient pleine de vitalité, malgré les répressions
et les vicissitudes propres à l'emploi pour son compte à la
Cubaine. Il est vrai que, le nombre de travailleurs pour leur propre compte a
diminué de 1995 jusqu'à ce jour, pour plusieurs raisons. Mais cela
ne veut pas dire que la gastronomie privée a perdu de la compétitivité
face à sa contrepartie d'état. Tout au contraire. Tandis que la
première stabilise ses niveaux de qualité, la seconde parait
reproduire ses vices de l'ère des subventions soviétiques, selon
diverses sources.
Pour commencer, les gastronomies d'état et privée cohabitent
dans une Cuba qui n'est déjà plus autant celle du haché de
soja, et même elles se complémentent. De nouveaux scénarios,
particularisés par une stratification des revenus personnels, segmentent
le marché et rendent nécessaire l'une et l'autre, au moins pour le
moment. Mais il reste incertain que retour de la gastronomie privée
puisse être mis en relation avec des intoxications alimentaires dérivées
d'une manipulation irresponsable, un thème qui pourrait bien servir aux
fondamentalistes de gauche dans leurs attaques quotidiennes contre le travail à
son son propre compte.
Si l'on part des statistiques officielles, le taux d'incidence moyen des
intoxications alimentaires par 100 mil habitants entre 1981 et 1985 est autour
de 150 cas par an. Ce quinquennat est considéré comme le meilleur
après l'ère des subventions soviétiques. A ce temps là,
on ne songeait même pas à la possibilité du retour de la
gastronomie privée. Il existait seulement celle l'état... c'est
tout.
Pour beaucoup d'observateurs locaux, 1995 est l'année de l'explosion
de la gastronomie privée. A ce moment là, presque à chaque
coin de rue a surgi un commerce de ce genre. Des mesures répressives postérieures,
la réalité de la concurrence et le passage de nombreux
travailleurs pour leur compte légaux à l'illégalité,
ont provoqué une réduction qui, peut être par carambole, l'a
rendue plus compétitive. Il est particulièrement curieux que 1995
ait été l'année de moindre incidence d'intoxications
alimentaires, lorsque celles-ci ont atteint un taux de 77,4 cas par 100 mil
habitants. En 1999, déjà avec une gastronomie privée
consolidée, le taux mentionné a été de 78,4. Il
n'est rien de moins curieux qu'en 1996, année considérée
par les spécialistes comme celle de plus grande répression envers
les travailleurs pour leur compte, ait été dans le quinquennat
1995-99 celui du plus grand nombre d'intoxications par 100 mille cubains: 136,2.
TABLEAU 1: Intoxications alimentaires
Indicateur
|
1981-85
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
Cas
rapportés |
14927
|
8496
|
15006
|
10729
|
10211
|
8747
|
Taux
par 100 mil |
150,2
|
77,4
|
136,2
|
97,0
|
91,9
|
78,4
|
SOURCE: Bureau National de Statistiques de Cuba.
Malgré leurs chocs constants avec le gouvernement de Fidel Castro,
l'opinion générale parmi les havanais est que le monde réel
témoigne de l'explosion ou de la renaissance de multiples formes de
gastronomie privée. Depuis les 'paladares' où les majestés
espagnoles mangent des fraises et du chocolat, jusqu'au petit chinois mystérieux
qui frappe à la porte avec son chargement de charcuterie, en passant par
les services de traiteurs dans les magasins en dollars. Les chiffres officiels,
les chiffres officiels ternes, avalisent qu'il n'existe pas de vrais motifs pour
mettre en relation la gastronomie privée avec une augmentation présumée
des intoxications alimentaires, pour la seule raison que celles-ci ont diminué
de presque 50 pour cent par rapport à l'époque où on
n'avait même pas l'idée qu'on pourrait manger dans un 'paladar'.
Pour cela, que ces lignes soient un conseil pour les fondamentalistes de gauche,
si abondants dans l'île : cet argument, au moins cet argument, mettez-le
aux ordures.
Traduction: Genevieve Tejera
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