Nuit d'épouvante récit dune survivante
Par JANET HERNANDEZ, survivante du naufrage du remorqueur 13 de Marzo.
Source: El Nuevo Herald
Date: Jeudi 13 juillet 1995
Il y a un an aujourd'hui, ma vie a changé pour toujours. Je suis montée
avec mon époux, Modesto Almanza, sur le remorqueur 13 de Marzo, qui
allait appareiller de la baie de La Havane. Nous étions environ 70
personnes, beaucoup d'entre eux étaient des parents et amis.
Lorsque nous étions à sept milles de la côte nous avons été
interceptés par les embarcations castristes. Immédiatement ils ont
commencé à nous donner des embardées. Nous avions peur pour
les enfants à bord, le plus petit avait cinq mois. Nous avons soulevé
les enfants et avons commencé à crier 'ne tirez pas s'il vous
plait'. Quelqu'un a soulevé une petite fille et connaissant celui qui
conduisait l'un des remorqueurs qui nous attaquait lui a crié : "Chino,
Jabao, ne fais pas cela, ici il y a des enfants !" S'il n'avait pas rabaissé
la petite de trois ans, ils l'auraient tuée avec les jets d'eau des
lances à pression.
Dans une action programmée, on nous a mis un remorqueur par derrière.
Le plus grand, qui était vert avec une raie rouge, une bande rouge, est
monté sur la poupe et nous a cassé le bateau en deux. Après
cela ce bateau est resté à la dérive puisque le patron,
Fidelio Ramel, est tombé à l'eau à cause de la force des
lances. Ce fut alors que Raúl Muñoz a pris le contrôle du
navire et a essayé de nous aider, de nous sauver parce que le bateau
avait déjà tant d'eau qu'il était sur le point de sombrer.
Malgré cela, ils continuaient à nous jeter de l'eau
directement aux visages des enfants, qui ne pouvaient même plus respirer.
Nous savions déjà que nous allions sombrer. A ce moment-là
Raúl arrêta le remorqueur. Il ne respectèrent même pas
cela. La mission était de nous faire sombrer.
Lorsque le bateau s'est cassé en deux, une caisse de bois est tombée
à l'eau. C'était la glacière qui flottait et nous fumes
nombreux à essayer d'y arriver. Ce fut alors qu'ils ont commencé à
faire tourner les bateaux autour de nous, en créant un énorme
tourbillon qui avalait les gens. Ainsi est morte ma belle-sur Pilar
Almanza Romero. Lorsqu'ils m'ont fait sortir du bateau, son fils Yasel Perodin
Almanza s'accrochait à mon pied. Lorsqu'ils m'ont sorti, la chaussure de
tennis s'est échappée et il est parti, le tourbillon l'a avalé
et je n'ai pas pu l'attraper...ce fut terrible.
Après j'ai vu mon beau-frère Sergio Perodin sortir avec
l'autre petit garçon et j'ai eu un soulagement parce qu'au moins l'un
d'eux était sauvé. Il y avait une petite fille enflée par
tant d'eau qui ressemblait à un petit crapaud. Ils nous ont laissés
ainsi jusqu'au petit jour quand un canot Griffin nous a ramassés. Ce fut
une nuit de terreur. En montant je les ai insultés, je leur ai dit qu'ils
étaient des assassins. Ils ont laissé mourir des enfants et des
personnes âgées. Vingt-trois enfants morts, assassinés de
manière aussi impitoyable.
Là n'a pas terminé notre odyssée. Mon époux et
mon beau-frère ont été emmenés à Villa
Marista où ils sont restés sous les verrous pendant plusieurs
semaines. Nous n'avons jamais récupéré les corps. Une fois
lorsque je fus à Villa Marista et que j'ai demandé pourquoi ils
avaient menti dans la version qu'avait offert la presse castriste, ils m'insultèrent.
Ce furent des jours terribles. Mon neveu Sergito me demandait pourquoi ils
ne sortaient pas sa maman et son petit frère du fond de la mer. Tant de
familles détruites ! Tant d'enfants assassinés ! Les hommes étaient
prisonniers, le peuple était échauffé et sur nous il y
avait une surveillance terrible. Malgré le harcèlement, j'ai donné
mon témoignage pour qu'on le sache à l'extérieur. Je savais
que c'était la seule manière de faire pour que les faits réels
soient connus.
Après mon témoignage qui fut connu par Radio Martí et
La Voix de la Fondation, la Sûreté de l'Etat a menacé de
m'arrêter. Mais réellement ils pouvaient déjà faire
peu. Mon témoignage a contribué à ce que l'on sache la vérité.
A ce que le monde sache l'ampleur du crime.
Quelques mois plus tard nous sommes montés sur un radeau. Notre
destination fut Guantánamo. En arrivant aux Etats Unis ma famille et moi
avons témoigné devant le Congrès américain. Mon
beau-frère Sergio Perodin a donné témoignage devant la
Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies à Genève. Nous
serons toujours disposés à dénoncer le massacre du
remorqueur 13 de Marzo.
Neuf mois après le naufrage du remorqueur, j'ai mis au monde Maydli.
Peut-être a-t-elle été la survivante la plus jeune de la
tuerie. Peut-être j'avais déjà ma petite fille dans le
ventre ce 13 juillet. Sans le savoir, mon instinct maternel m'a fait lutter pour
la sauver. Il y a des jours où je regarde son visage et je pense aux 23
enfants qui sont au fond de la mer. Ce sont dans des jours comme ceux-ci que je
ne comprends pas comme il peut exister des personnes qui sont disposées à
en arriver à des accords avec une tyrannie. Quelles garanties ont-elles
qu'ils ne commettront pas de nouveau des crimes semblables?
Quelques fois je pense que tout a été un cauchemar. Mais les
cris d'horreur des mères qui ont perdu leurs enfants, les petites mains
des enfants en train de sombrer pour toujours au fond de la mer et les pleurs
que nous avons partagés sont réels. Si réels que j'ai peur
de penser que les êtres humains peuvent être capables d'autant de
cruauté.
Traduction: Genevieve Tejera
Un long voyage vers la Liberté / Aleida Duran /
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