CUBANET

25 janvier 2001



Interview clandestine d'un prisonnier politique dans la prison de Boniato

SANTIAGO DE CUBA, le 24 janvier (Luis Alberto Rivera, APLO) – Malgré le contrôle sévère que les fonctionnaires des prisons, le Travail Opérationnel Secret (TOS) et le Département de la Sûreté de l'Etat (DES) ont programmé pour empêcher que des prisons cubaines sortent des informations sur le mode de vie et les conditions avec lesquelles survivent les prisonniers ; ce reporter a pu passer sans être remarqué pendant l'une des visites réglementaires et entrer dans la prison de Boniato.

On permet seulement que les prisonniers aient des visites de deux membres de leurs familles, mais en profitant de la multitude qui se trouvait à l'entrée de Boniato le 17 janvier dernier, j'ai pu entrer dans le pénitencier et réaliser clandestinement cette interview.

Boniato est un pénitencier de grande sévérité (supposé destiné à enfermer des individus qui ont commis des délits graves), située dans les alentours de la ville de Santiago de Cuba.

A Boniato ils ont interné des centaines et des centaines de prisonniers politiques et de conscience depuis que la dite Révolution de 1959 a pris le pouvoir et a créé un Etat socialiste. La majorité de ces prisonniers n'ont seulement pas été d'accord avec le système politique imposé par le Parti Communiste.

En 1953 Fidel Castro et un groupe d'assaillants de la caserne Moncada ont été reclus à Boniato. Ils ont utilisé la méthode de lutte violente. Ils ont été amnistiés avant de faire leur deuxième année de prison.

Pendant que je rappelle ces faits, je suis arrivé au salon de visites. C'est un patio avec plusieurs tables. Toutes étaient déjà occupées.

Là, dans le mélange bruyant des prisonniers et de leurs familles, je distingue Eddy Alfredo Mena Gonzalez. Mena Gonzalez est un prisonnier politique. Il fait partie du Mouvement Cubain Jeunes pour la Démocratie, c'est un défenseur de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, mais il est incarcéré avec 150 criminels communs dans le Détachement 2, Section 1, de cette prison.

Délit ? Il a été l'acteur de plusieurs actes de désobéissance civile contre le gouvernement de l'Ile, avec le président de cette organisation, Nestor Rodriguez Lobaina (aussi prisonnier). Des protestations pacifiques qui dans les pays libres sont protégées de droit et de fait.

Sanction ? Mena Gonzalez a été condamné à 5 ans de prison.

Je m'approche et je le salue. Je l'embrasse. Il s'émotionne, et aussi… je ne peux pas décrire cette scène.

Comment est la situation alimentaire à Boniato ? Je lui demande directement.

« Réellement très mauvaise. Depuis qu'a commencé l'année 2001 le petit déjeuner consiste en un « fongo » (banane fruit) bouillie, un peu d' «eau de coquillettes». Le déjeuner et le dîner consistent généralement en coquillettes et une soupe liquide. Tout cela en portions très petites. Crois moi, il y a beaucoup de prisonniers sous-alimentés».

Mena Gonzalez m'explique que l' «eau de coquillettes » n'est rien d'autre que ce qu'il reste dans les marmites après avoir fait bouillir ce genre de pâtes.

Que peux-tu me dire au sujet des soins médicaux que reçoivent les prisonniers ici ?

« Ouf, de mal en pis ! » s'exclame-t-il. Il fait une pause et explique : « Il y a beaucoup de prisonniers malades qui passent la journée en se plaignant aux gardiens, et comme ceux-ci ne font pas attention aux réclamations, alors, beaucoup de ces malades choisissent de s'attaquer eux-mêmes. Il est fréquent qu'ils se coupent les veines ou se poignardent pour attirer l'attention, et de cette façon arriver qu'on les emmène au médecin. Par exemple, il y a eu le cas de prisonniers avec hypertension dont le docteur ne s'est pas occupé parce que dans l'infirmerie il n'y a pas d'appareil pour prendre la tension ».

Mena Gonzalez parle lentement, me regarde dans les yeux, et les mots sortent de sa bouche avec énergie et tranquillité.

J'entre dans un thème polémique. Le gouvernement de l'Ile affirme constamment qu'il ne maltraite pas les prisonniers politiques, mais les organisations qui défendes les droits de l'homme assurent le contraire.

Quel est le traitement que reçoivent les prisonniers pour causes politiques ?

« La Sûreté de l'Etat promet aux prisonniers communs de les libérer avant leur temps s'ils nous surveillent, et même nous attaquent si nous nous manifestons contre le gouvernement. D'autre part, l'officier de la police politique Ramiro Ramayo « interview » systématiquement les prisonniers politiques ; c'est une façon de nous garder sous contrôle ».

Veux-tu envoyer un message aux personnes qui hors du pays s'intéressent à la situation des prisonniers politiques cubains ?

« Oui, bien sur ! En premier lieu, merci beaucoup pour leur préoccupation envers nous. Tant qu'il existera des violations nous continuerons a lutter de n'importe quelle manière, nous continuerons également à dénoncer devant le monde la réalité des prisons cubaines ».

Mena Gonzalez, après une courte pause, a annoncé : « en plus, je veux annoncer le jeûne que nous ferons les prisonniers politiques de Boniato le 28 janvier prochain, pendant 24 heures, pour commémorer la naissance de José Marti, notre Apôtre, jeûne par lequel nous exigerons une fois de plus qu'on respecte les droits de l'homme à Cuba, et que tous les prisonniers politiques cubains soient libérés, sans conditions ».

Mena Gonzalez m'informe que dans cet acte de désobéissance civile dans la prison de Boniato participeront les prisonniers politiques Luis Antonio Vegas Barrido (incarcéré dans le Détachement 10), Eduardo Diaz (détachement 10), Manuel Rodriguez Cabrales (Détachement 9 et Francisco Herodes Echemendia (Détachement 9).

Malgré la souffrance qui se reflète sur son visage, la fermeté de Mena Gonzalez m'a impressionnée. Nous avons parlé de sa famille, de ses plans futurs, sur la démocratie que nous voulons construire, sur les libertés violées.

Sans aucun doute, Eddy Alfredo Mena Gonzalez est un Cubain courageux. Pour cette interview il peut payer un prix élevé. Il le sait, mais il assume cette possibilité comme un devoir. Il le fait avec plaisir, on le voit dans ses yeux. Bien qu'il soit prisonnier à Boniato c'est un homme véritablement libre. Personne ne peut incarcérer les bonnes idées, personne ne peut arrêter l'Histoire.

Deux heures de ma vie se sont passées rapidement. Le temps de la visite s'est terminé. Je suis sorti de la prison de Boniato comme je suis entré, sans être identifié ni arrêté.

Déjà dans la rue, je me suis senti heureux de savoir qu'il existe des Cubains comme Eddy Alfredo Mena Gonzalez. J'étais aussi satisfait. Parce que c'est rare qu'un journaliste puisse interviewer un prisonnier politique dans une prison cubaine, c'est une opportunité exclusive.


Traduction: Genevieve Tejera

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