Cuba, janvier
2003
Lázaro Raúl González, CPI
HERRADURA, janvier (www.cubanet.org)
- Mon pote, ça va mal !
- Et bien, ce nest pas pire quen 94.
- Mais ça menace.
- Oui, tous ils jours il y a moins de choses et quand tout est plus cher.
- Tous les jours il y aura de moins en moins et ça coûtera
plus.
- Tu crois que si les Américains levaient lembargo...?
- Quel embargo ni quel embargo, mon pote. Tu sais bien quà Cuba
il ny a rien à manger parce que le gouvernement possède
toutes les terres et les usines et ne les fait pas produire.
- Oui cest vrai et je pense que si le gouvernement faisaient quelques
changements il y aurait au moins des tomates sur la petite place.
La conversation a lieu entre deux amis. Alfredo et Pablo, chez ce dernier.
Bien que le nombre augmente de ceux qui manifestent leur mécontentement
et leurs opinions publiquement, lintimité continue à être
lendroit préféré des cubains pour exercer la liberté
de parole.
Chez eux, les gens se défoulent. Si à la télévision
on voit un ministre expliquant que cette année il y aura des pommes de
terre en abondance, quelquun lui crie : menteur ! Si lon coupe lélectricité
il ne manque pas ceux qui sortent de dures offenses contre les leaders
politiques du pays.
Derrière le rideau sûr de lintimité, les gens
approuvent la désertion du joueur de base-ball José Ariel
Contreras, critique le gouvernement de Hugo Chavez et même considère
le castrisme comme une dictature abominable.
- Pourquoi crois-tu quils ny a pas de tomates sur la petite
place ? je demande à Pablo.
- Parce que le gouvernement nest pas intéressé quil
y ait des tomates sur la petite place - répond Pablo convaincu. Il ny
a pas de tomates pour le peuple, mais ni les dirigeants ni les touristes étrangers
manquent dune bonne petite salade.
Dans la salle de sa maison, Pablo appelle les choses par leur nom. Malgré
cela, sa conviction et ses dires disparaissent en public.
- Tu dirais cela devant une assemblée convoquée par une
organisation officielle ? je lui demande.
- Non, pourquoi ? Ici tout le monde le sait. Si je critiquais beaucoup, je
perdrais au moins ma petite affaire de vendeur de savon fait à la maison.
Pour cette raison, Pablo préfère continuer à se défouler
chez lui, ou dans un cercle limité de personnes connues.
- Dans une veillée funèbre, dans une queue ajoute-t-il
et même dans un bus on peut parler, mais en faisant bien attention qui écoute,
parce quelle est très longue loreille de la Sûreté
de lEtat.
Lopinion de Pablo est partagée par Alfredo et par des millions
de cubains. Dans les lieux de travail ou détudes, ou dans toute
manifestation officielle, ils applaudissent avec joie les consignes du régime.
Une fois la manifestation terminée ils enlèvent leurs masques,
libèrent leurs sentiments et sexpriment librement. Il y en a pour
qui ce serait une double morale. Pour Pablo cest un simple mécanisme
défensif, de survivance.
- Quand je garde ma langue dans ma bouche je protége la nourriture de
mes enfants ! Si jai un problème pour critiquer le gouvernement,
qui va maintenir les petits ?
Pablo dit ne rien savoir sur le journaliste indépendant Bernardo Arévalo
Padrón, qui purge une condamnation de 6 ans. Mais quand je lui explique
quil a été puni pour questionner publiquement certains
personnages du régime, Pablo le comprend.
- A quoi dautre peux-tu tattendre ? Il ne sait pas où il
vit ? Il aurait du faire un autre sport.
Pablo ne connaît pas larticle, qui restreint la liberté dexpression,
ni la Loi 88, qui
assure une quantité dannées derrière les barreaux à
tout national qui questionne les intérêts du régime
socialiste. Mais il sait ce quils veulent dire dans la pratique.
- A Cuba on ne peut pas critiquer le gouvernement. Si tu le critiques dans
la rue on va te mettre en prison.
Pablo ne connaît pas non plus larticle 19 de la Déclaration
Universelle des Droits de lHomme, qui établit le droit de tout être
humain à donner son opinion sans être ennuyé pour cela.
Quand je le luis lit, Pablo montre de la surprise et du scepticisme
- Dis-donc, que cest bien cela! Mais, cest la vérité
? Bon, cest ainsi je ne sais où, en Uruguay ou en Australie, parce
quà Cuba on peut seulement dire ce que lon pense vraiment
derrière les murs. Celle déclaration ici on ne lobserve pas.
Pablo le dit en baissant la voix, parce que :
- Ici il est arrivé que même les murs avaient des oreilles.
Traduction: Genevieve Tejera
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