Entre
la démocratie et le mur colonial
LA HAVANE, août (www.cubanet.org) - A dix dollars,
dans la librairie d'état située dans les rues
havanaises Prado et Teniente Rey, on vend le livre "Les
dissidents".
Cette publication qui essaie d'étayer la thèse
officielle, avec des interviews de dix agents de la Sûreté
de l'Etat et de photos dont les sous-titres pointent ouvertement
dans la même direction indiquant que les opposants,
y compris les bibliothécaires et journalistes indépendants
sont (ou nous sommes) mercenaires payés par les Etats-Unis,
se vend précisément dans la monnaie avec laquelle,
selon le gouvernement de Cuba, sont payés ceux qui
désirent des changements démocratiques dans
l'Ile.
Quelques exemplaires de "Les dissidents" ont été
vendus en monnaie nationale. Mais maintenant, si on le veut,
il faut utiliser pour acquérir cette "dénonciation
de l'intromission des Etats-Unis dans les affaires internes
de Cuba", à la représentation la plus connue
du pays, qui selon une autre thèse du gouvernement
communiste, a voulu pendant des siècles annexer Cuba
: le dollar.
Cela pourrait sembler paradoxal en tout autre endroit, mais
à Cuba non. A Cuba priment les intérêts
gouvernementaux, tout le reste peut entrer dans le monde des
choses sans importance.
Là s'inscrit le fait que le chef de la Section d'Intérêts
de Washington à La Havane, James Cason, que les porte-parole
gouvernementaux et dans "Les dissidents", ont qualifié
de "chef" de l'opposition interne, et après
que 75 représentants de plusieurs aspects de cette
opposition aient été condamnés pendant
des jugements sommaires à des peines qui vont de 8
jusqu'à 28 ans de prison, les moyens de communication
de masse, tous au service du régime, ont publié
des notes de Cason faisant connaître sa position et
celle de son gouvernement devant les situations migratoires.
Le régime, dans sa propagande médiocre et sans
limites - l'intolérance est si grande et la crainte
de perdre ce qu'ils ont est si immense qu'ils disent n'importe
quoi - a dit que les opposants sont couverts d'argent jusqu'au
cou.
Luis García (Lucas Garve) est l'un des dits "mercenaires"
qui apparaît dans "Les dissidents" en conversation
avec monsieur James Cason. Lucas je le connais depuis qu'il
appartenait à "Critère Alternatif",
un groupe contestataire que présidait la poète
María Elena Cruz Varela. Ce collègue habite
dans le quartier de Mantilla.
Ce mardi j'ai été chez lui. J'ai eu de la difficulté
pour trouver l'endroit où habite ce journaliste, professeur
et traducteur de français. L'endroit où habite
Garve est à environ cinquante mètres du trottoir
et derrière, en ligne droite, deux autres maisons.
Le logement de Lucas se compose d'une cuisine, une salle de
bains et une pièce centrale qui fait fonction de chambre,
salon et salle à manger. Tout est très petit.
Dans cette pièce centrale se trouvent un lit, un téléviseur
sur une petite table et une bibliothèque improvisée
encastrée dans le mur. Il n'y a rien d'autre. Il n'y
a pas non plus de place pour plus. Le plafond de la "maison"
est de planches de fibrociment, et est si bas que quand on
se met debout la tête toute presque ces planches.
Ainsi, plus ou moins, vivent presque tous ceux qui à
Cuba sont qualifiés officiellement de contre-révolutionnaires
et mercenaires à la solde de la plus grande puissance
militaire et économique du monde. Pour le moment, l'ami
Lucas n'a pas d'autre choix, dans ce "confortable"
logement qui sûrement est très semblable à
celui de n'importe quel membre de la nomenklatura.
La librairie où se vend "Les dissidents"
est en face du Capitole National, qui est le symbole de la
République, et à environ cent mètres,
part la muraille derrière laquelle était La
Havane intra-muros pendant l'époque coloniale. Nous
sommes ainsi, face à la nécessité que
nous avons comme nation d'obtenir la démocratie et
un mur d'archaïques intérêts de pouvoir,
soutenu par une idéologíe incompatible avec
la démocratie. Mais les murs tombent toujours. C'est
ainsi. Ou bien ils restent comme un intérêt touristique
ou d'histoire, rien de plus. cnet/13
Traduction: Genevieve Tejera
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