CUBANET

17 février 2000



Soupe amère


Ivan Garcia, Cuba Press

LA HAVANE, février – Si vous vous promenez pour les rues empierrées qui entourent la Cathédrale de La Havane dans la partie ancienne de la ville, presque sûrement vous trouverez une douzaine de chanteurs indépendants qui en 10 minutes parcourent le pentagramme musical cubain.

Depuis Sindo Garay jusqu'à Compay Segundo, en passant par Silvio Rodriguez et la Charanga Habanera. N'importe quel thème. Apres avoir terminé la sérénade, tranquillement ils passent le chapeau, pour que le touriste y pose quelques dollars. Dans l'une des nombreuses terrasses de café près de la vieille église, deux musiciens vivent précisément pour rendre plus plaisants les goûters, cocktails ou déjeuners.

Un duo original.

Pablo Muñoz 28 ans, la première voix, au début avait honte. Il se sentait inutile. Diplômé de chant lyrique à l'école supérieure d'art, il rêvait d'être un Luciano Pavarotti ou Placido Domingo et de donner son bel canto à la Scala de Milan.

Les 311 pesos (quelques 15 dollars) que lui paie par mois l'entreprise artistique pour laquelle il travaille comme ténor d'opéra ne sont pas suffisants pour payer loyer, électricité, téléphone et gaz. « Mon épouse ne travaille pas. Elle doit s'occuper de nos deux enfants, jumeaux en plus ». Pablo a trouvé la solution grâce à un ami, qui lui a suggéré d'essayer son sort en « faisant de la soupe » pour les touristes.

Il n'a pas de permis. Mais la police est si occupée à combattre l'armée de malfaiteurs et prostituées qui pullulent dans les endroits où vont les touristes, qu'elle passe devant les « free lancers » de la musique sans les voir.

Muñoz a commencé à chanter seul. Il mettait un vieux costume noir qui sentait la naphtaline. Sous un soleil qui chauffe les pierres, il entonnait des passages de « Carmen », « Tristan et Iseulde », « Othello » et « l'ode à la joie ».

« Les étrangers passaient… et me regardaient comme si j'étais un vagabond ou un fou avec une manie de chanter l'opéra ». Il justifiait son échec en disant que « beaucoup de ceux qui visitent Cuba sont sans culture, viennent boire des mojitos et jouir des noires et des mulâtres ».

Dans le cas de vouloir entendre de la musique, les visiteurs préfèrent bouger les hanches de manière ridicule au son de rythmes afro-cubains, ou la timba agressive. Cette réalité a contribué à l'échec initial de Pablo. « J'arrivais chez moi avec l'estomac vide et les pieds détruits. Il y avait des jours que je marchais jusqu'à huit kilomètres et sans un dollar en poche ».

Dans la pénombre du salon, sa femme essayait de faire taire de leurs pleurs les jumeaux en les berçant tous les deux dans un fauteuil en ruines. « Je devais faire un grand effort pour retenir mes larmes ». J'ai même pensé à me suicider. Mais le sang n'est pas arrivé au ruisseau.

Clown en scène.

Ce dimanche, se souvient Pablo Muñoz, le jour s'est levé pluvieux. A midi un vieil ami a frappé à sa porte. « C'était Agustin Alonso, 38 ans, diplômé comme clown dans l'école de cirque Oleg Popov à Moscou ». Agustin venait avec plein de malheurs. Apres avoir vidé entre les deux un litre de rhum de quatrième catégorie et avec comme musique de fond un vieux disque d'Enrico Caruso, Agustin lui a donné une idée.

Ainsi fut comment un ex clown et un ténor frustré ont changé leurs vies. Agustin a suggéré d'utiliser des vêtements de sport : short, t-shirt et tennis. Le répertoire aussi a changé à 180 degrés. Avec Agustin jouant une paire de maracas et faisant la seconde voix et Pablo avec une guitare prêtée, ont commencé à chanter ce qui plaisait aux étrangers.

Comme des perroquets ils répétaient, jusqu'à vingt fois par jour, le refrain de la chanson de Compay Segundo « Alto Cedro, je vais à Marcané, après à Cueto et je vais à Mayari… » Après Agustin, avec son rire de clown professionnel, passait le chapeau. (Avant le triomphe de la révolution les artistes ambulants montaient pour chanter dans les tramways et les bus et lorsqu'ils terminaient ils « passaient la soucoupe », une pratique qui a été prise de l'Eglise Catholique pour demander des contributions aux fidèles.

Pablo se souvient qu'il a du trouver du courage « Je me sentais comme un mercenaire. Parce que non seulement j'interprétais de la musique populaire cubaine, mais n'importe quelle balade qui soit à la mode. Mais au moins nous gagnions tous les jours de 20 à 40 dollars chacun. Il y a des jours où nous sommes arrivés à 100.

Il sourit. Il reconnaît que sa vie s'est améliorée. Evidemment, il ne pense plus à se pendre. Il a toujours de la tristesse lorsqu'il pense à cela, mais l'illusion de chanter un jour au Metropolitan de New York ou la Scala de Milan est morte de façon définitive.


Traduction: Genevieve Tejera

[ NOUVELLES ]


CubaNet ne demande pas l'exclusivité à ses collaborateurs et autorise la reproduction de ces articles, à condition de l'identifier comme en étant la source.

SECCIONES

NOTICIAS
...Prensa Independiente
...Prensa Internacional
...Prensa Gubernamental

OTROS IDIOMAS
...Inglés
...Alemán
...Francés

INDEPENDIENTES
...Cooperativas Agrícolas
...Movimiento Sindical
...Bibliotecas
...MCL
...Ayuno

DEL LECTOR
...Cartas
...Debate
...Opinión

BUSQUEDAS
...Archivos
...Búsquedas
...Documentos
...Enlaces

CULTURA
...Artes Plásticas
...Fotos de Cuba
...Anillas de Tabaco

CUBANET
...Semanario
...Quiénes Somos
...Informe 1998
...Correo Electrónico


CubaNet News, Inc.
145 Madeira Ave, Suite 207
Coral Gables, FL 33134
(305) 774-1887